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PLAIDOYER POUR UN SITE EPHEMERE



J’ai cinq ans. Abrité sous le vaste parasol bleu à franges blanches de ma grand-mère Solange, je me délecte déjà de cet endroit qui fleure bon le goudron calfatant les chalands. Des cris d’enfants heureux fusent de toutes part. Certains font des barrages, d’autres creusent des trous.

J’enjambe avec souplesse les troncs de pins coupés qui faisaient alors office de perré tout au long de la plage du Bétey.

Je cours le long du chenal serti des mêmes protections où se cachaient les crabes et mes pieds s’enfoncent dans le sable où nulle vase ne vient souiller mes jambes.

Je patauge dans les chaudes baïnes où quelques mules égarés me chatouillent les orteils.

Je respire à pleins poumons cet air vivifiant chargé de sel et des embruns du large. Au loin, l’océan gronde mais ici, loin de tout danger je me baigne dans cette eau qui me porte et que je bois parfois… comme on déguste une huître.

Derrière moi, une théorie de cabanes ostréicoles délivrent dans l’air leur senteur  poivrée de coquillages et de tout se qui se ramasse sur le ventre du bassin.

Une brise légère de Juillet porte des messages iodés emplis d’espérance et de joie. J’ai faim, heureusement ma Grand-mère a tout prévu.

Aujourd’hui, j’ai soixante deux ans. Je suis assis sur la plage du Bétey et je crois bien que je pleure ce paradis perdu.

LE SENS DE LA PROPRIETE

LE SENS DE LA PROPRIETE

Un lombric, en livrée toute rose, rampait gracieusement sur un sol détrempé. C’était son territoire, sa parcelle personnelle, car, en cet endroit très humide, un humus savoureux, lui offrait la pitance qu’il avalait d’un trait. Il se sentait chez lui, puisque de toute éternité ses ancêtres avant lui avaient occupé ce carré décomposé de feuilles et de déchets.

 

Un merle, haut perché sur ses pattes fines, visitait ses foyers. Il aperçut le ver qui osait s’aventurer sur sa terre, dans son espace limité. Il en fut fort contrarié. Cet impudent méritait une leçon dont il serait le censeur mais aussi l’heureux dégustateur.

 

Un chat survint. Il relevait les odeurs des aventures nocturnes, car il préférait le coussin douillet de la maison aux folles équipées. Il entrevit l’oiseau et vint à pas de loup. Il s’approcha, nonchalant, faisant semblant d’être préoccupé par des affaires de la plus haute importance. Il n’était pas céans, pour cet étranger emplumé, de partager tous les repères olfactifs qu’il avait dû marquer. Mais notre volatile fêtait quatre saisons de printemps et il ne fallait pas lui raconter d’histoires. Il n’était pas né de la dernière couvée. Il s’envola sur-le-champ, laissant notre matou pantois et déconfit.

 

- Fiche le camp, sale greffier qui vient déraciner mes plantes bien alignées ! Fit le locataire, shootant dans le félin, ne sachant pas, que du courrier de midi, il serait mis en demeure de quitter son logis, pour tous les loyers qu’il n’avait pas encore payé.

***

 

- Je t’aime, mon amour ! Déclara l’amoureux transi à sa belle conquête. Tu es ma chose, une partie de moi ! Je veux partager chaque instant de ta vie !

- Ha ! Mon ami, je vois bien que tu t’égares, je suis libre de choisir et ne dépends que de moi ! Je n’ai que faire d’une sangsue toujours à mes côtés, m’empêchant de respirer pour le reste des années !

 

***

-Heureusement, dit le sage démuni de tout bien matériel, il me reste mon corps ! Ah ! Mais au fait, en réfléchissant bien, il ne m’appartient pas, mais j’en suis responsable car sans lui, je ne peux pas me rendre compte si je suis encore vivant.

 

***

D’autres vous diront qu’ils ont une âme et que celle-ci est bien à eux. Pas nécessairement. Ils en seraient les fondateurs s’ils l’avaient fabriquée, mais il n’en est rien, elle était déjà là avant qu’ils n’en prennent conscience.

 

Pourtant, il nous reste quelque chose dont chacun peut profiter sans devenir propriétaire. C’est une petite mer enclavée dans les terres. Oh ! Ce n’est pas un de ces océans, dont l’immensité vous donne le vertige. Non, c’est un écrin unique, un bijou rare, une aigue-marine qui change au gré des marées. Un petit réceptacle de saveurs, d’odeurs, de faune et de flore et qui vous fabrique des souvenirs à ne plus savoir qu’en faire. C’est notre Bassin d’Arcachon encore havre de paix dans ce monde tourmenté.

 

François Veillon

 

 

 

 

LES QUINCONCES

 

 

ODE POUR LES QUINCONCES

 

 

 

Ton étrave effilée qui pointe sa presqu’île sur des crassats herbeux est la proue d’un navire qui attaque les vagues et nous fait naviguer vers des terres inconnues. Ton écrin de verdure, sertissant le bassin, nous rappelle combien ton biotope est fragile et qu’il nous faut te protéger contre vents et marées. Des gens, d’ailleurs, s’en occupent fort bien, car de leurs efforts, les enfants de demain verront encore ce que les anciens ont toujours apprécié. Quelle aventure de te découvrir au travers d’un chemin fait de matte d’argile, mais que le flot parfois, déchausse par endroits. Cachés par un roncier, aux épines farouches, tumulus et terriers attestent la présence de nos amis lapins. Sous les baccharis importés exotiques, de vieilles barques éventrées achèvent leur trépas et se délitent lentement, au gré des éléments. Dis-moi, promeneur, n’as tu pas une triste pensée pour ces formes de bois qui ont servi sans se plaindre tout au long des années pour finir aujourd’hui, sans aucune pitié ? J’ai goûté, étant jeune et donc sans expérience, à l’âcre prunelle noire, croyant me repaître d’un fruit savoureux gonflé de sucre et de soleil. J’ai vu se percher tout au haut des ramures les grands oiseaux de mer, fatigués de voyages au-delà du Bassin. J’ai vu les amoureux échanger le baiser que l’on donne une fois et se jurer l’amour pour toute éternité. J’ai gravé mon nom sur le tronc de vieux centenaires, mais rares sont les pins d’un âge respectable, car ces géants d’avant-poste ont payé leur tribu aux tempêtes furieuses ravageant la région. Et ces grandes sentinelles allongées sur le sable dressent encore vers le ciel leurs membres décharnés blanchis par les embruns. J’ai observé le ballet élégant des cygnes de passage, nageant à l’unisson sur des viviers saumâtres et mon cœur s’est gonflé de joie et d’émotion aussi, de voir que même à mon âge, rien encore n’avait beaucoup changé. La prairie maritime, où ne paissent plus les vaches, transporte toujours vers l’intérieur des terres, ses effluves mélangés de vase et de varech. J’ai entendu les jours de canicule le chant guttural des cigales invisibles. A la frontière de St Brice j'ai trempé ma main dans l'onde fraîche du ruisseau du Cirès et vainement j’ai cherché le moulin. Un figuier, une vigne, croissent à l’endroit d’une ruine circulaire ; chapelle ou maison de douanier ? Le mystère demeure ; je ne saurais jamais ce que ces vielles pierres ont un jour abrité. J'ai bien peur qu'aujourd'hui, en ces temps difficiles, ce site enchanteur ne devienne la proie des hommes sans scrupules, qui pour s’enrichir encore, vendraient en cinq minutes, ce que la nature a modelé, en des millions d’années.

François Veillon

 

ANDERNOS

ANDERNOS

 

Landes, air, eau, à ceci près on aurait pu t’appeler,

Mais aujourd’hui, les landes ne sont plus et le ciment occulte l’humus qui montait de la terre.

Nous ne sentons plus la trilogie magique des ces trois éléments.

Je ne retrouve plus cet élan convivial qui nous faisait aimer aborder son prochain, pour deviser avec lui des charmes du Bassin.

Chacun arpente désormais les grandes rues piétonnes en lorgnant les magasins dont la durée de vie est de courte saison.

Mais la raison de l’homme est de modifier par décret ce que la nature a façonné en des éons de temps.

Le promeneur moderne et l’enfant de demain sauront-ils que ce site charmait autrefois non pas par la densité des immeubles, mais par le cachet discret des villas de caractères que l’on découvrait au détour des chemins .

 

Il me souvient de la brise chargée des odeurs de la sylve, combinée à celle de la mer et cet air me nourrissait rien qu’en le respirant.

Nature ! Nature ! Ne te fâche pas trop vite de voir ton sol que le soleil ne chauffera plus jamais… Epargne-nous encore un peu les convulsions de ta colère qui nous feront disparaître un jour, laisse-nous apprécier les rares trésors de ta côte que l’homme demain aura fait fructifier


François Veillon

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