LE SENS DE LA PROPRIETE

LE SENS DE LA PROPRIETE

Un lombric, en livrée toute rose, rampait gracieusement sur un sol détrempé. C’était son territoire, sa parcelle personnelle, car, en cet endroit très humide, un humus savoureux, lui offrait la pitance qu’il avalait d’un trait. Il se sentait chez lui, puisque de toute éternité ses ancêtres avant lui avaient occupé ce carré décomposé de feuilles et de déchets.

 

Un merle, haut perché sur ses pattes fines, visitait ses foyers. Il aperçut le ver qui osait s’aventurer sur sa terre, dans son espace limité. Il en fut fort contrarié. Cet impudent méritait une leçon dont il serait le censeur mais aussi l’heureux dégustateur.

 

Un chat survint. Il relevait les odeurs des aventures nocturnes, car il préférait le coussin douillet de la maison aux folles équipées. Il entrevit l’oiseau et vint à pas de loup. Il s’approcha, nonchalant, faisant semblant d’être préoccupé par des affaires de la plus haute importance. Il n’était pas céans, pour cet étranger emplumé, de partager tous les repères olfactifs qu’il avait dû marquer. Mais notre volatile fêtait quatre saisons de printemps et il ne fallait pas lui raconter d’histoires. Il n’était pas né de la dernière couvée. Il s’envola sur-le-champ, laissant notre matou pantois et déconfit.

 

- Fiche le camp, sale greffier qui vient déraciner mes plantes bien alignées ! Fit le locataire, shootant dans le félin, ne sachant pas, que du courrier de midi, il serait mis en demeure de quitter son logis, pour tous les loyers qu’il n’avait pas encore payé.

***

 

- Je t’aime, mon amour ! Déclara l’amoureux transi à sa belle conquête. Tu es ma chose, une partie de moi ! Je veux partager chaque instant de ta vie !

- Ha ! Mon ami, je vois bien que tu t’égares, je suis libre de choisir et ne dépends que de moi ! Je n’ai que faire d’une sangsue toujours à mes côtés, m’empêchant de respirer pour le reste des années !

 

***

-Heureusement, dit le sage démuni de tout bien matériel, il me reste mon corps ! Ah ! Mais au fait, en réfléchissant bien, il ne m’appartient pas, mais j’en suis responsable car sans lui, je ne peux pas me rendre compte si je suis encore vivant.

 

***

D’autres vous diront qu’ils ont une âme et que celle-ci est bien à eux. Pas nécessairement. Ils en seraient les fondateurs s’ils l’avaient fabriquée, mais il n’en est rien, elle était déjà là avant qu’ils n’en prennent conscience.

 

Pourtant, il nous reste quelque chose dont chacun peut profiter sans devenir propriétaire. C’est une petite mer enclavée dans les terres. Oh ! Ce n’est pas un de ces océans, dont l’immensité vous donne le vertige. Non, c’est un écrin unique, un bijou rare, une aigue-marine qui change au gré des marées. Un petit réceptacle de saveurs, d’odeurs, de faune et de flore et qui vous fabrique des souvenirs à ne plus savoir qu’en faire. C’est notre Bassin d’Arcachon encore havre de paix dans ce monde tourmenté.

 

François Veillon

 

 

 

 

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