Amiens
Partiellement nuageux
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Une pinasse élancée remonte le jusant de sa toux régulière. Un chaland de nos pères dérive lentement autour d’un pieu rongé… Hommes et femmes d’huîtres, à la marée liés, de vieux bateaux par derrière vous portent encore leurs ultimes fardeaux.
Je n’imagine pas, quand dans vos officines je vous viens acheter les fruits de l’océan, combien il vous fallut de temps de fatigue et de peine, ce que sans y penser j’avale en un instant. Les benèzes ne coiffent plus le chef des vaillantes parqueuses et la serge éclatante ne ceint plus le corps des pêcheurs de jadis.
Mais le montant lassé de ses vieilles conquêtes, se retire déjà, découvrant les esteys, en livrant aux regards les concessions d’antan où les piquets tordus, comme des centenaires, balisent jusqu’à demain les éboulis des parcs désaffectés.
Un chien de mer, ivre de vent salé, course les hirondelles. En vain… La bête de rage aboie contre le ciel
Dans les derniers bassins, où les huîtres se baignent, des mules prisonniers attendent jusqu’au soir le flot libérateur et dans le grand chenal, enchâssé dans la vase, quelques bateaux légers glissent en silence vers des ports étrangers.
Alors, sortant de l’onde, chevelure peignée par le flux et le reflux, apparaît le varech dans sa verte livrée. Quant à la vieille source, elle coule sereine en dépit des années et même si parfois son débit est un filet menu, elle chuchote encore pour ne pas se tarir. Elle verse à deux pas le reste de son âge dans un ruisseau rouillé qui l’amène à la mer. Andernos, ne change pas trop vite, nos âmes tourmentées ont besoin de ta paix.
Aujourd'hui je contemple une ville semblable à beaucoup d'autres. Des immeubles opulents ont écrasé les petites maisons de caractère où s'accrochaient nos souvenirs. Je me baigne en eau trouble et le varech, de ses longs filaments, ne vient plus s'enrouler autour de mes épaules. En bordure de plage, mes pieds glissent désormais sur cette vase fluide qui gagne peu à peu, jusqu'au trait de côte.